Dans une lettre ouverte, plusieurs scientifiques exhortent la Commission européenne à adopter des critères définissant les perturbateurs endocriniens. Entretien avec Rémy Slama, l’un des signataires.
LE MONDE | 07.04.2017 à 18h03 • Mis à jour le 07.04.2017 à 18h08 | Propos recueillis par Fanny Guiné
Dans une lettre ouverte publiée vendredi 7 avril, une quinzaine de scientifiques européens et américains interpellent les ministres européens de la santé, de l’environnement, et de l’agriculture ainsi que le Commissaire européen de la santé pour que soit retenue une définition claire et indiscutable des perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques qui interagissent avec le système hormonal. Rémy Slama, épidémiologiste à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de Grenoble et président du conseil scientifique du Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens, est l’un de ces signataires.
Vous avez déjà adressé une lettre ouverte en novembre 2016 aux Etats membres pour rappeler l’urgence de clarifier la liste des perturbateurs endocriniens, sans succès. Pourquoi renouvelez-vous cette initiative aujourd’hui ?
Une nouvelle étape de la discussion sur la définition des perturbateurs endocriniens entre la Commission européenne et les Etats membres se tient vendredi 7 avril à Bruxelles. Les perturbateurs endocriniens associent les biocides [certains insecticides, produits de lutte contre les rongeurs, produits de protection du bois] et les pesticides. Le problème, c’est que lors de négociations précédentes en février, une clause a été ajoutée. Elle indique qu’un biocide qui serait développé afin de perturber le système hormonal d’une espèce ne serait pas classé comme perturbateur endocrinien.
C’est comme si on demandait aux industriels de développer une substance pour absorber l’énergie dans un réfrigérateur et qu’au cas où elle serait libérée dans l’atmosphère, on ne la classerait pas comme gaz à effet de serre, sous prétexte que cette propriété est voulue. Du point de vue scientifique, ça n’a aucun sens. Un perturbateur endocrinien doit être défini en fonction de son action sur la santé et sur le système hormonal et non pas en fonction de la finalité pour laquelle il a été développé. Cette définition n’avait pas été acceptée par une majorité d’Etats en février, mais à ma connaissance, elle reste à l’ordre du jour.
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Comment expliquer qu’en dépit de très longues …